L’association les Ateliers de la Manufacture de l’Archange Michel a été fondée pour remettre en fonctionnement la dernière filature historique de Normandie. Rencontre avec Véronique Michel, lauréate du Prix Femmes des Territoires 2025, récompensée pour son initiative à impact environnemental et sociétal.



Quel a été ton parcours avant de créer les Ateliers de la Manufacture ?
Passionnée par le patrimoine naturel et historique, j’ai tout d’abord été avocate en droit de l’environnement. J’ai été sollicitée en 2018 pour mes compétences juridiques afin d’assurer la sauvegarde de la dernière filature
de Normandie, située dans le bocage de la baie du Mont-Saint-Michel. Véritable coup de cœur, j’ai alors décidé d’arrêter la profession d’avocate pour devenir éleveuse de races patrimoniales normandes dès 2020. Grâce à de nombreuses formations sur la transformation de la laine, j’ai développé une expertise pointue. Celle-ci m’a menée au poste de chargée de mission coopération pour la valorisation des laines locales du Parc naturel régional des Préalpes d’Azur. Depuis lors, je me fais l’avocate de la laine… à la conquête de la toison d’or pour créer une filière courte avec une équipe de bénévoles et professionnel·le·s de la laine.
Comment s’est concrétisée ton initiative ?
Mon idée de départ était de faire d’un déchet un produit valorisable, source de complément de revenus pour l’éleveur·euse. J’ai d’abord présenté mon projet à l’ADRESS de Normandie dans le cadre d’un appel à projets. Nous avons été sélectionnés et avons pu intégrer l’incubateur Katapult en 2022-2023. Cet accompagnement a débouché sur la création d’une association de préfiguration de la future SCIC en 2024.
As-tu reçus d’autres soutiens pour concrétiser ton projet ?
Oui, en effet, nous avons reçu l’appui institutionnel de la Région Normandie à travers la participation au Festival de l’excellence normande et bientôt le dispositif Impulsion ESS. Le département de la Manche avec Attitude Manche et l’Office du tourisme de l’agglomération du Mont Saint-Michel favorisent la visibilité de nos actions à destination du grand public. La Manufacture est également soutenue par des partenaires privés tels qu’Engie et Saint-James EPV, le musée Juno Beach, Gisacum, l’entreprise Tournabois EPV et Pierre de Beauchamps avec muraillers, métier rare de l’UNESCO. L’association vient en soutien du projet de la cité textile de demain à Bolbec pour son expertise de la laine. Enfin, elle est partie prenante dans la rédaction de la feuille de route pour la valorisation des laines françaises initiée par l’association nationale Tricolor avec le ministère de l’Agriculture.
Quelles sont les différentes missions de la Manufacture ?
Notre association loi 1901 regroupe des éleveur·e·s de moutons, des artisan·e·s et des ateliers d’insertion professionnelle, des sympathisants et partenaires privés et publics. Ensemble, nous œuvrons à la création d’une filière de valorisation des laines locales en circuit court. Notre association contribue aussi à la formation aux métiers de la laine, de l’élevage à la filature, en passant par le tri, le lavage, le feutre, la teinture végétale et le tissage.
Quels sont les impacts de l’association au niveau social et sociétal ?
La création d’une filière courte de valorisation des laines locales est une manière de structurer et dynamiser le territoire en développant les savoir-faire d’exception. L’objectif est aussi d’apporter une rémunération éthique de la laine au travail des éleveur·e·s de brebis. Par ailleurs, nous travaillons en partenariat avec le chantier d’insertion professionnelle Atre à Alençon pour nos travaux de couture et la prison de Caen pour le rembourrage de nos coussins. C’est notre façon de favoriser l’inclusion sociale. Enfin, nous recevons écoles, collèges, lycées, MFR pour l’apprentissage des métiers rares de l’UNESCO et savoir-faire paysans. L’ouverture de la Manufacture au public permet de sensibiliser aux enjeux de sauvegarde du patrimoine des moulins et au savoir-faire de transformation de la laine.
Et sur le plan environnemental ?
Il s’agit d’encourager le pastoralisme, pour maintenir les prairies, puits de décarbonation. De plus, le projet s’appuie sur le fonctionnement des machines de la filature à l’énergie hydraulique. Nous sommes ainsi une véritable vitrine des techniques traditionnelles et Low Tech, notamment avec l’utilisation de la terre crue, la restauration des berges et biefs du moulin en pierres sèches, l’utilisation des écarts de tonte pour la fertilisation de la terre, le plessage des haies, etc.
Quels défis as-tu rencontrés et comment les as-tu relevés ?
Mon premier défi a été de sensibiliser la population locale au caractère extraordinaire du patrimoine vernaculaire. Cette dernière filature de Normandie regorge de trésors puisque toutes les machines sont installées dans un des 7 moulins à papier chiffon, bâtiments du XVe siècle. J’ai voulu montrer le caractère vertueux de maintenir cette unité de production artisanale. L’enjeu est de restaurer ce lieu pour créer des emplois et une dynamique de développement économique ancrée sur la valorisation du patrimoine industriel exceptionnel du XIXe siècle Aujourd’hui, je suis fière de participer à la préservation et à la transmission d’un patrimoine vivant et durable !
Quel conseil tiré de ton propre parcours aimerais-tu partager avec une entrepreneuse débutante ?
Il faut oser franchir le pas et ne pas hésiter à se faire accompagner par les dispositifs mis en place par les régions et les collectivités. La CCI, la CMA et d’autres structures telles qu’Artisans d’avenir ou l’Institut national des savoir-faire, autant de systèmes pour donner une impulsion et encourager la création d’entreprise. Enfin, il est important d’être entourée en rejoignant des réseaux entrepreneuriaux : ce sont des lieux pour échanger, trouver une écoute, se soutenir et partager nos difficultés.
Quel message souhaites-tu transmettre aux jeunes générations ?
Ce projet n’aurait jamais pu voir le jour sans une incroyable dynamique solidaire : l’association, les éleveur·euse·s, les tondeur·euse·s, les entreprises et les habitant·e·s du territoire. Ce puissant réseau de soutien a prouvé qu’ensemble, on est infiniment plus fort. Encouragée par mes quatre enfants, je souhaite transmettre à chacun le goût du faire ensemble, le goût du beau et du bon, avec la chaleur réconfortante de la laine, pour avoir une compréhension du monde plus résiliente et optimiste, plus douce. C’est important de faire preuve d’énergie positive. Je consacre ainsi mes efforts à inspirer d’autres jeunes et adultes à travers ce qui est plus qu’une matière. La laine est un lien qui permet de tisser une communauté aussi durable que cette extraordinaire fibre naturelle.
Comment la dotation du Prix Femmes des Territoires va-t-elle aider la Manufacture ?
La dotation va nous permettre de restaurer une machine à retordre le fil et un métier à tisser. La concrétisation de notre projet nécessite une démarche participative et solidaire. Cette réussite dépend du concours de chacun·e : ensemble tissons la trame d’un monde plus juste, durable et plus doux !
Rédigé par Marie-Hélène Dos Santos

« C’est un défi passionnant, une sensation d’essayer un nouveau métier chaque jour ! »

« Avec Femmes des Territoires, on se soutient de A à Z. On est là, n’ayez pas peur. »


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